Le Monde titre : Trachéotomisé, Jean Paul II continue de gouverner l'Eglise.
De prime abord, on pourrait être impressionné par la force du mot. On a vite fait d'établir une consonance avec "lobotomisé". Mais non, il ne s'agit que d'une petite incision dans le cou et la trachée afin de permettre un passage direct de l'air dans les poumons.
Le malade le plus médiatisé du moment, voire même de la décennie, est entouré d'un mystère soigneusement entretenu par le Vatican qui nous révèle pourtant de petits détails essentiels : on sait ce qu'il a mangé au petit déjeuner (10 biscuits, café au lait et yaourt), qu'il s'est curé* le nez trois fois et qu'il a regardé Gad Elmaleh animer la cérémonie des César, sans la tant redoutée raffle des prix par Les Choristes (un coup de pouce pour les autres ça ne fait pas de mal).
Pour en revenir à JP 2.0, ce qu'on ne sait toujours pas, c'est s'il n'a pas vomi tous ses biscuits dans la minute suivante. Car il faut bien avouer que le café au lait et les yaourts, ce n'est pas vraiment le régime idéal pour quelqu'un qui est déjà hospitalisé.
Prévoyants, ses assistants (qui ont bien le pouvoir en main depuis un bout de temps, il faut être réaliste) lui ont laissé du papier et un stylo tout près de sa main droite puisque le chef est contraint au silence. Pas pour le distraire et faire des mots croisés ou des images où il faut relier les points, non. Simplement pour lui permettre de continuer à gouverner l'Eglise. Et le Saint Homme ne va pas manquer de s'y adonner joyeusement, en bon parkinsonien :
Bref, on ne sait toujours pas dans quel idiome ce grand polyglote a voulu s'exprimer mais les plus grands graphologues italiens ont été mis sur l'affaire et on pourra bientôt savoir si oui ou non il s'agit bien des mots "plus de sucre dans le café s'il vous plaît".
Les fidèles le sont. Fidèles. Un peu trop même. Ils ont les yeux rougis d'avoir trop pleuré, tout comme beaucoup d'autres fidèles agglutinés sur le macadam de la polyclinique Gemelli de Rome. Tout ça pour une trachéo, que d'émotion. Pendant ce temps les génocides (NYT) se poursuivent tranquillement, sans avoir droit aux larmes, au rythme de 10 000 morts par mois. Excusez du peu.
On aurait pu s'attendre à ce qu'ils le traînent une fois de plus à la fenêtre pour l'Angélus, affrontant la pneumonie avec courage, aidé d'une voix plus ou moins enregistrée, mais non... Yves Lecoq aurait pu ventriloquer, venant au secours du Vatican. Las, aucune imagination. Le secret est bien trop précieux. Espérons ne jamais lire "Toujours dans le coma, Jean Paul II continue de gouverner l'Eglise". Et si, finalement, il avait pu écrire sur ce bout de papier "laissez-moi tranquille" ? Quand la fumée blanche s'échappera-t-elle à nouveau de la cheminée de la Chapelle Sixtine ?
*Même pas fait exprès...